Kim a soutenu avec succès sa thèse de doctorat intitulée « How Dare You ? » : Vers une politique de l’éco-shaming, sous la direction des professeurs Tom Bauler (SONYA, ULB) et Thomas Block (Université de Gand).
How Dare You? [Comment osez-vous ?] Que vous soyez préoccupé ou non par notre situation socio-environnementale actuelle, il y a de fortes chances que cette question vous soit familière. Peut-être vous a-t-elle même fait rougir. Vous lisez ceci dans un avion ? Honte à vous ! Vous venez d'acheter quelque chose sur Amazon ? Comment osez-vous ! C'est exactement l'objet de cette thèse : explorer la nature politique de l’éco-shaming.
La fin de la deuxième décennie du XXIe siècle est bien mémorable pour ceux qui se préoccupent de notre condition socio-environnementale. Sous l’impulsion de Greta Thunberg, des manifestations et des grèves estudiantines pour le climat ont éclaté dans toute l'Europe, y compris en Belgique. Ces manifestations ont préparé le terrain pour l'émergence de l'éco-shaming. Alors que « Greta Thunberg a armé la honte dans une ère d'impudeur » (The Washington Post, 2019), il est devenu évident que l'éco-shaming a pris tout son sens. Il affecte. Il touche une corde sensible. Il émeut les gens. Il est controversé. Il ébranle les politiques de l'environnement.
Déclenchée par cette « nouvelle sensibilité mondiale » (Mkono & Hughes, 2020), cette thèse examine l’éco-shaming comme un objet politique à part entière. Tout d'abord, elle explore la manière dont l'éco-shaming se déploie ; elle démêle son fonctionnement en tant que discours, désir, dispositif et dissidence, ainsi que la manière dont ce curieux enchevêtrement de fonctions incarne une dynamique de contestation, d’engagement, et de désengagement vis-à-vis des transformations pour la durabilité.
Les néologismes ont tendance à être révélateurs de l’esprit du temps. Le mouvement environnemental actuel dans les pays occidentaux riches peut être défini par deux tendances à première vue paradoxales. D'une part, un hyperréalisme qui valorise le goût pour un diagnostic scientifique, universel et monolithique du problème, à partir duquel on peut déduire des solutions directes, globales et fondées sur des preuves. D'autre part, un hyperromantisme qui valorise le goût pour l'évasion émotionnelle et personnelle vers des espaces où la question des relations de pouvoir et de l'action collective est effacée.
Deuxièmement, la politique de l'éco-shaming s'inscrit dans le cadre plus large des politiques de l'environnement, en phase avec les sensibilités sociétales du moment. L’éco-shaming, de nature politique, intègre ainsi l’esprit du temps, en s'inscrivant dans les tendances actuelles à l'hyperromantisme et à l'hyperréalisme, sans pour autant être entièrement compréhensibles à partir de celles-ci. Au contraire, l'éco-shaming se déplace entre ces tendances, les remet en question et les dépasse de manière complexe et ambiguë. Ainsi, la politique de l'éco-shaming se révèle être un moyen de s'engager et de se désengager des transformations de durabilité, de politiser et de dépolitiser les changements socio-environnementaux, et d'individualiser et de collectiviser les responsabilités pour l'action envers plus de durabilité.
L'approche interprétative adoptée dans cette recherche, centrée sur l'imagination sociopolitique, vise elle aussi à dépasser les cadres académiques actuels ; elle remet en question l'hyperréalisme académique décrivant la science comme neutre et la recherche comme l'exécution de procédures méthodologiques rigides, et se détourne de l'hyperromantisme académique qui s'intéresse principalement aux effets individuels et comportementaux des « éco-émotions ».
Cette exploration de l'éco-shaming, en tant que politique, cherche ainsi à ouvrir des pistes pour lutter collectivement contre l'enracinement de nos sociétés à fort impact environnemental, tout en esquissant des voies vers des futurs plus soutenables.
Membres du jury:
Prof. Louise Knops (Université libre de Bruxelles), prof. Pierre Lannoy (Université libre de Bruxelles), prof. Gert Goeminne (Universiteit Gent), prof. Aysem Mert (Stockholm University), prof. Anna Durnova (Institute for Advanced Studies Vienna)